Lê Quang Liêm est l'un des plus anciens dirigeants du bouddhisme Hoa Hao. Il est aujourd’hui à la tête du groupe de fidèles de cette religion qui ont refusé de se soumettre au Comité de gestion imposé par le gouvernement vietnamien. À l’occasion de la prochaine commémoration de la mort tragique du fondateur, Huynh Phu Sô, il a adressé, le 3 mars dernier, une lettre aux « 7 millions » (1) de fidèles Hoa Hao. Il les invite à venir nombreux célébrer cette fête et, pour cela, à braver l’interdiction des autorités.

Le point de conflit des fidèles Hoa Hao avec le gouvernement réside essentiellement dans la commémoration annuelle de la mort du fondateur assassiné sur ordre des responsables du Vietminh en 1947.

Après s’être d’abord heurté au pouvoir colonial dans les années 1940, Huynh Phu Sô s’est allié au Vietminh en 1945. Les responsables de ce mouvement, jaloux de son influence, organisèrent un guet-apens où il mourut assassiné le 16 avril 1947 (2). L’ordre venait des plus hautes instances du parti communiste vietnamien.

Dans sa lettre d’invitation (3), Lê Quang Liêm exalte le lien religieux qui unit les fidèles Hoa Hao à leur fondateur et le caractère sacré de la tristesse qu’ils éprouvent en pensant à sa mort : « 67 années se sont écoulées [depuis cette mort ], emportées comme les nuages par le vent ; les bouleversements, les événements de toutes sortes se sont succédés… Mais nous, ses fidèles, nous gardons au plus intime de nos cœurs la tristesse d’avoir perdu notre maître ».

Vient ensuite un court rappel historique : « Les 22 premières années (1947-1975) notre tristesse a été quelque peu atténuée puisque, chaque année, nous pouvions organiser la commémoration du jour de la disparition de notre maître ».

« Notre tristesse devint plus intense, ajoute-t-il, au cours des 38 dernières années [1975- 2013], depuis le jour de la prise de pouvoir par les communistes dans le sud…. Les autorités ont sévèrement interdit l’organisation de cérémonies, nous enfermant dans une tristesse muette d’autant plus douloureuse ».

Le haut responsable du bouddhisme Hoa Hao originel se pose alors la question : Pourquoi donc une telle restriction est-elle imposée aux fidèles de cette religion, alors que le catholicisme, le bouddhisme, le caodaïsme célèbrent sans aucune limitation l’ensemble des fêtes de leur religion respective ? Il se demande : « Est-ce à cause de notre peur, de notre résignation, que nous sommes ainsi bafoués, atteints non seulement en nous-mêmes, mais aussi dans l’honneur de notre religion ? ».

Il lance ensuite un véritable défi aux autorités. Cette année 2014, cette commémoration sera organisée le 25e jour du deuxième mois lunaire dans une résidence privée à Long Hoa, dans la province de An Giang. Elle sera célébrée quel que soit le prix à payer, ajoute l’auteur de la lettre, « même si nous devons verser notre sang, aller en prison ou voir notre résidence démolie, pour l’honneur de notre religion, au nom de notre maître ». Il y invite l’ensemble des croyants, pour que la fête soit plus solennelle. (eda/jm)

(1) C’est le chiffre donné dans la lettre. Les statistiques du Bureau des Affaires religieuses donnent un chiffre beaucoup plus modeste.
(2) Pour davantage de détails sur le bouddhisme Hoa Hao et sur son fondateur, voir la dépêche EDA du 10 avril 2013 : http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud-est/vietnam/2013-04-10-comme-chaque-annee-la-securite-publique-s2019est-efforcee-d2019empecher-la-commemoration-de-la-mort-du-fondateur-du-bouddhisme-hoa-hao
(3) Voir VRNs, 7 mars 2014 : http://www.chuacuuthe.com/2014/03/pg-hoa-hao-chuan-bi-dai-le-ngay-duc-thayvang-mat/

(Source: Eglises d'Asie, le 7 mars 2014)