Dans son édition datée du 3 avril, le quotidien du Saint-Siège, L’Osservatore Romano, s’est félicité en ‘une’, par un long article, de la victoire électorale remportée dimanche 1er avril par Aung San Suu Kyi et son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD). Sous le titre « Le siège de l’espérance », le quotidien salue la victoire de celle qui, avec son groupe constitué de 42 autres membres de la NLD élus ce dimanche, représentera 10 % des sièges de la chambre basse du Parlement à Naypyidaw.

Pour le quotidien, qui est une voix semi-officielle du Saint-Siège, « les effets du retour d’Aung San Suu Kyi au Parlement et de la victoire de son parti seront nombreux et profonds ». L’Osservatore Romano met en avant les déclarations de la leader de l’opposition démocratique qui avait évoqué, dès l’annonce de la victoire de son parti aux élections partielles, « l’avènement d’une ère nouvelle ». « La Dame » de Rangoun avait alors précisé : « Il ne s’agit pas tant de notre triomphe que de celui de ceux qui ont décidé de participer au processus politique du pays. » Le quotidien du Vatican évoque également « les bénéfices économiques significatifs » que ces résultats électoraux et le déroulement globalement satisfaisant du scrutin pourraient apporter à la Birmanie. Est notamment évoquée la possible levée des sanctions financières imposées par les Etats-Unis et l’Union européenne aux régimes des généraux birmans. L’« allégement » de ces sanctions pourrait intervenir « si, après les élections, les ouvertures démocratiques et les réformes [engagées depuis un an par Naypyidaw] ne subissent pas une drastique marche arrière ». L’Osservatore Romano reste en effet prudent, estimant que la pérennité des multiples changements constatés ces derniers mois dans le pays dépend de « la volonté des anciens militaires » actuellement au pouvoir.

A l’unisson des médias internationaux, tous les autres médias du Saint-Siège ont salué « le triomphe » d’Aung San Suu Kyi aux élections partielles du 1er avril. Radio Vatican a ainsi parlé d’un « jour historique » pour la Birmanie et d’un « moment capital » pour ses institutions politiques. Chargé du dossier ‘Birmanie’ à la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, le P. Massimo Cenci, PIME, a attribué à Aung San Suu Kyi le mérite du « réveil » que connaît aujourd’hui la Birmanie. « Suu Kyi a su fédérer l’aspiration des Birmans non seulement à la démocratie, mais à se sentir acteurs de ce qui se passe dans leur pays d’un point de vue social et politique », a expliqué le prêtre, tout en ajoutant qu’il était trop tôt pour parler d’une transition pleine et entière vers la démocratie. « Même si ce qui s’est passé ce week-end en Birmanie est à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de ce pays, nous devons adopter une attitude prudente : ‘Wait and see.’ », a-t-il ajouté, précisant que le Vatican et le Saint-Siège suivaient attentivement la situation. Quant aux conséquences de ce scrutin pour l’Eglise de Birmanie, le P. Cenci a expliqué que « dans ses activités, l’Eglise sur place se heurtait à des restrictions importantes et que, pour autant que l’ouverture en cours se concrétiserait, l’Eglise ne pourrait que profiter d’une situation où les libertés seraient mieux respectées ».

Dans un pays où les catholiques sont peu nombreux (1,5 % de la population) et où les nombreuses dénominations protestantes forment elles aussi une petite minorité (3 % de la population), les chrétiens, s’ils ne constituent pas une force politique, sont néanmoins au cœur des préoccupations du gouvernement en raison de leur forte présence au sein des minorités ethniques de Birmanie.

Dans l’immédiat, avant même la publication officielle du résultat des élections partielles, les dirigeants de l’Eglise catholique ont, à l’unisson du pays tout entier, célébré la victoire d’Aung San Suu Kyi. A l’agence Fides, Mgr Raymond Saw Po Ray, président de la Commission ‘Justice et Paix’ de la Conférence épiscopale du Myanmar, a déclaré que le triomphe de la NLD et de sa figure de proue constituait « un nouveau départ pour le pays, le début d’une ère de grande espérance pour nous tous ». Il précisait : « L’opposition sera présente au Parlement ; c’est un facteur de pluralisme qui fera du bien au pays. »

Quant à l’avenir, il ajoutait : « Nous espérons tous que le pays s’engage dans une nouvelle ère de justice et de paix. En tant qu’Eglise, nous prions pour cela et nous sommes prêts à apporter notre contribution. En tant que chrétiens, nous sommes une petite minorité qui désire se mettre au service de la nation afin de garantir un avenir de paix et de bien-être dans le respect de la dignité de l’homme et des valeurs de solidarité. (…) Nous sommes certains qu’Aung San Suu Kyi travaillera pour l’intérêt et le bien commun, prêtant sa voix à de nombreux membres de la société jusqu’ici peu écoutés. Le défi majeur à relever pour le pays demeure aujourd’hui le retour à la paix, surtout en ce qui concerne les minorités ethniques. Aujourd’hui, la population birmane a la possibilité de donner un nouveau cours à la vie du pays. Espérons que cette opportunité sera saisie avec bonne volonté par toutes les composantes de la société et par le gouvernement. »

(Source: Eglises d'Asie, 3 avril 2012)