Depuis plus d’un demi-siècle, les autorités vietnamiennes appliquent une très rigoureuse politique de limitation des naissances, accompagnée de sévères sanctions pour les contrevenants. Durant toute cette époque, le diktat absolu de deux enfants par couple a exigé des familles qu’elles se soumettent à un très sévère contrôle. Cette politique a entraîné un déséquilibre du ratio entre les sexes ainsi qu’un taux excessivement élevé d’interruptions de grossesse. Une pratique qui soulève de nombreuses protestations dans les milieux religieux, plus particulièrement de l’Eglise catholique, qui réprouve publiquement ce moyen de limitation des naissances (1).

Mais le temps est venu où les instances officielles elles-mêmes commencent à émettre des doutes sur l’opportunité de cette politique de la contrainte. Le 9 juin 2015, le journal VN Express, qui, habituellement, reflète fidèlement les opinions des autorités, publiait un long article où des experts de haut niveau et de hauts responsables de services gouvernementaux émettent de sérieux doutes sur l’efficacité de la politique démographique actuelle.

Le journal annonçait que d’importants changements se préparent, lesquels vont, semble-t-il, renouveler radicalement la rigoureuse politique du couple à deux enfants en vigueur jusqu’à aujourd’hui. De toutes nouvelles orientations sont envisagées. En particulier, il est maintenant ouvertement question de rendre aux couples le droit de décider, par eux-mêmes, du nombre de leurs enfants. Cette proposition a été officiellement émise par la Direction nationale de la démographie. Elle a reçu le soutien des spécialistes locaux et des organismes internationaux qui estiment que cette mesure est adaptée aux conditions économiques de la société vietnamienne actuelle. Ils affirment aussi que les autorités vietnamiennes doivent tirer la leçon de l’expérience de la Corée du Sud et d’autres pays qui, face au vieillissement de leur population, ont mis un terme au contrôle rigoureux des naissances.

Interrogé sur cette question, le professeur Nguyên Dinh Cu, ancien directeur national de la démographie et spécialiste des questions sociales, se réjouit de voir que, si cette réforme rendra la politique démographique enfin conforme à la Constitution du pays et à la convention « CEDAW » (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes) qui stipule le droit de décider du nombre de ses enfants comme un droit strict de toute femme. Le professeur ajoute qu’au cours des dix dernières années, le nombre des naissances a été peu élevé au Vietnam. En 2014, le taux de fécondité est de 2,09 enfants par femme en âge de procréer, un taux qui se situe très exactement au seuil du renouvellement des générations et qui n’est pas sans conséquences sur la production économique d’un pays peuplé de 90 millions d’habitants.

Le professeur a aussi précisé qu’après plus de cinquante ans d’imposition d’un strict planning familial, la famille d’un ou deux enfants s’est imposée comme modèle à l’ensemble de la population et il ne fallait pas craindre que la fin de limitations imposées par l’Etat provoque une explosion démographique.

L’ancienne représentante des Nations Unies pour les questions démographiques au Vietnam, Ritsu Nacken, a confirmé, pour VN Express le fait que le taux de fécondité avait continué de diminuer au cours des dix années écoulées. En outre, selon elle, la population vietnamienne est entrée, depuis 2011, dans une période de vieillissement, résultat du ralentissement des naissances et de l’élévation de l’espérance de vie. Autant de phénomènes qui incitent la représentante des Nations Unies à conseiller l’abandon de la politique de limitation des naissances.

Selon le VN Express du 8 juin dernier, un nouveau projet de loi sur la démographie est en cours d’élaboration. Un de ses articles pourrait préciser que désormais les couples choisiront eux-mêmes le nombre de leurs enfants. Cependant, le vice-directeur de l’Institut démographique, s’exprimant en public au début du mois de juin, notait qu’il existait encore deux courants au sein des instances responsables, l’un pour maintenir la politique actuelle et l’autre pour la libéraliser. (eda/jm)

(1) Dans leur réponse au récent projet de loi sur la religion, les évêques vietnamiens réclamaient le droit d’être en désaccord avec le gouvernement. Ils donnaient comme exemple le refus de légitimer l’avortement.

(2) On pourra trouver une version de ce projet de loi à l’adresse suivante : http://duthaoonline.quochoi.vn/DuThao/Lists/DT_DUTHAO_LUAT/View_Detail.aspx?ItemID=545&LanID=546&TabIndex=1

(Source: Eglises d'Asie, le 3 juillet 2015)