Pour le troisième jour de sa visite en Corée du Sud, après avoir présidé la messe de béatification de 124 martyrs à Séoul, le pape François s’est rendu dans l’après-midi du 16 août 2014 dans un centre d'accueil pour personnes handicapées, à Kkottongnae. Le pape a passé plus de 45 minutes en présence de jeunes handicapés de la « Maison de l’espoir », faisant preuve d’une grande tendresse à l’égard de chacun des malades, avant d’aller prier devant le très symbolique « Jardin des enfants avortés ».

Lors de la première étape de sa visite à Kkottongnae, centre fondé et géré par le P. John Oh Woong-jin, prêtre proche du Renouveau charismatique, à une centaine de kilomètres au sud-est de Séoul, le pape a ainsi effectué une visite pleine d’émotion à la « Maison de l’espoir », qui accueille une cinquantaine d’enfants handicapés physiques et mentaux, abandonnés par leurs parents, rapporte l’agence I-Media.

« Je suis content d’être debout », a rétorqué le pape à des religieux qui l’invitaient à s’asseoir, au début de sa visite. Il a alors suivi, visiblement attendri, une petite chorégraphie effectuée par de jeunes enfants handicapés. Face aux enfants, mais aussi avec de nombreux adultes, le pape a pris le temps de saluer chacun, caressant les visages ou prenant les mains, échangeant parfois des sourires complices, une couronne de fleurs autour du cou. Dans une société où le handicap a longtemps été considéré comme tare honteuse, les gestes du pape, retransmis en direct par la chaîne KBS, n’ont pu que frapper les esprits.

Avant de quitter les personnes malades, le pape a donné sa bénédiction et s’est tourné vers une statue de la Vierge pour réciter avec les malades un ‘Je vous salue Marie’. Puis, en quittant la salle, il a mis ses mains au-dessus de sa tête pour former un cœur avec ses bras, un signe fort en Corée pour dire « je vous aime ».

En sortant, salué par des milliers de personnes réparties dans le centre de Kkottongnae, qui fonctionne comme un véritable village, le pape François est allé prier brièvement devant un jardin dédié aux enfants avortés. En silence, il s’est ainsi recueilli devant ce bout de terrain symboliquement planté de dizaines de petites croix blanches.

Par ce geste, le pape voulait très certainement conforter l’épiscopat sud-coréen dans son engagement pour la défense des « valeurs de la vie ». L’avortement est une réalité massive en Corée du Sud. Dans ce pays de près de 50 millions d’habitants, le gouvernement recense environ 340 000 avortements par an. L’Eglise catholique, quant à elle, en dénombre 1,5 million. Un tel écart s’explique par le fait que l’avortement n’étant pas un acte remboursé par les assurances maladie, il est le plus souvent payé de la main à la main, en liquide, et échappe aux statistiques officielles, tout en améliorant le quotidien de nombre d’obstétriciens et de gynécologues qui subissent par ailleurs les conséquences d’une natalité très déprimée (le taux de fécondité des Coréennes se situe parmi les plus faibles au monde).

Régulièrement, les évêques réitèrent leur appel au monde politique afin de voir révisée la loi sur la santé reproductive de 1973, qui a de facto légalisé l’avortement dans le pays. Cette année encore, à l’occasion du Carême, l’Eglise catholique a lancé « le Rosaire pour la Vie », demandant aux fidèles de prier pour l’abolition de la Loi sur la santé de la mère et de l’enfant. Mais ce n’est que très récemment que les autorités gouvernementales ont cessé de promouvoir des politiques restrictives en matière de natalité. Prenant la mesure des conséquences du vieillissement accéléré de la population et du non-renouvellement des générations, elles tentent depuis peu de relancer la natalité, mais sans succès à ce jour.

Situé dans le diocèse de Cheongju, Kkottongnae (ou Kkottongne, selon l’ancienne transcription) (‘Village des fleurs’) a été fondé par le P. John Oh en 1976. Installé à Eumseong, il abrite aujourd'hui quelque 3 000 handicapés et personnes âgées en situation précaire. En 1992, un second village a été bâti à Gapyeong, où vivent près de 2 000 résidents. Un troisième village a depuis été édifié à Ganghwado. L’œuvre a également essaimé à l’étranger, au Bangladesh, aux Philippines, en Inde, en Ouganda, à Haïti, ainsi qu’en Amérique du Nord. Si certains, au sein de l’Eglise, critiquent l’ampleur prise par cette fondation et l’importance de ses besoins financiers (couverts à la fois par des subventions publiques et les dons de bienfaiteurs privés), l’épiscopat a toujours gardé sa confiance au P. John Oh, reconnaissant à cette institution et à son fondateur le souci des pauvres, des handicapés et des victimes d’addiction (alcool, drogue, etc.).

(eda/ra, avec Antoine-Marie Izoard de l’agence I-Media) (Source: Eglises d'Asie, le 16 août 2014)