Selon Mgr Andrew Yeom Soo-jung, cardinal-archevêque de Séoul, l’une des principales attentes des catholiques sud-coréens quant à la visite que le pape François effectuera à la mi-août en Corée du Sud concerne les relations intercoréennes. Selon lui, non seulement les catholiques mais l’ensemble de la population sud-coréenne attendent de cette visite un « miracle » en ce domaine.

C’est dans un entretien accordé à CBCP News, le service d’information de l’épiscopat philippin, que le cardinal Yeom a confié ses attentes. Evoquant le point bas qui est actuellement celui des relations gouvernementales intercoréennes, Mgr Yeom a exprimé « sa profonde frustration » face au fait que ni les responsables de la Corée du Nord ni ceux de la Corée du Sud « ne montrent aujourd’hui aucune volonté à entrer en dialogue (l’un avec l’autre) ».

Le cardinal, qui prône depuis des années la nécessité d’établir un dialogue de paix entre les deux Corées, compte sur le pape et sur l’importance que revêt sa visite dans son pays pour qu’une invitation soit lancée aux deux dirigeants ennemis, le Nord-Coréen Kim Jong-un et la Sud-Coréenne Park Geun-hye, à poser un geste de paix, voire à se rencontrer – ce qui constituerait une première depuis le sommet d’août 2007 où le président sud-coréen Roh Moo-hyun était venu visiter le dirigeant du Nord Kim Jong-il (1).

Selon le cardinal, « le pape est une personne qui veut la paix et ne veut pas que la Corée du Nord se perde. Il souhaite que la Corée du Nord et la Corée du Sud vivent en harmonie et témoignent d’un même amour fraternel ». Il rappelle qu’en Terre sainte, le pape a frappé les esprits en invitant les présidents israélien et palestinien à « prier chez lui, ‘à la maison’, au Vatican » et que « peut-être le pape François pourrait poser un geste de paix ou de détente pour les deux Corées ». « J’aimerais espérer que le pape bénisse Kim Jong-un et la présidente Park, en leur souhaitant à tous deux un avenir de paix », précise encore Mgr Yeom qui ne cache pas que renouer le dialogue serait « le plus grand des miracles » pour les deux Corées.

Présent sur le sol sud-coréen du 14 au 18 août prochains à l’occasion des VIèmes Journées asiatiques de la jeunesse, le pape François clôturera sa visite le 18 août par une messe « pour la paix et la réconciliation » en la cathédrale Myeongdong de Séoul. L’Eglise catholique de Corée du Sud prépare activement la venue d’une délégation catholique nord-coréenne à cette messe.

Les 18 et 19 mai derniers, des représentants de l’Eglise de Corée du Sud ont rencontré des délégués catholiques nord-coréens. La rencontre a eu lieu à Shenyang, en Chine populaire, mais les informations manquent quant à la nature exacte de la délégation nord-coréenne. En Corée du Nord, si la Constitution garantit la liberté de religion, aucune liberté religieuse n’existe et les instances religieuses qui existent sont totalement officielles. Selon la partie sud-coréenne, les délégués nord-coréens ont répondu à l’invitation qui leur a été faite en disant qu’ils l’étudieraient avec attention.

Selon les observateurs, si Pyongyang est décidé de proposer à Séoul de reprendre le dialogue – comme l’indique la proposition d’arrêter les actes d’hostilité qui a été faite, ce 30 juin, par la Corée du Nord à la Corée du Sud –, il est très possible que quelques laïcs catholiques nord-coréens fassent le voyage de Séoul en août prochain. Du côté sud-coréen, on note que la présidente Park vient de nommer Lee Byung-kee à la tête du National Intelligence Service, un des organes des services secrets sud-coréens ; or, ce dernier est perçu comme désireux d’apporter du changement dans les relations intercoréennes. Des relations qui restent très difficiles, Pyongyang n’hésitant pas à qualifier la présidente sud-coréenne de « prostituée » vendue aux Etats-Unis, réaction sans doute à un discours prononcée par Park Geun-hye à Dresde, en Allemagne, en mars dernier où elle évoquait la réunification comme « une chance pour la Corée » et proposait l’intégration progressive des deux pays.

Par ailleurs, outre les initiatives catholiques, on constate que, ces derniers mois, plusieurs démarches dans le domaine religieux ont abouti à des résultats modestes mais tangibles. Du 17 au 19 juin derniers, un rassemblement à Genève du Conseil œcuménique des Eglises a vu la participation, côte à côte, de délégués venus de la Fédération chrétienne de Corée, instance nord-coréenne, et du Conseil national des Eglises (protestantes) de Corée, instance sud-coréenne. Des partages autour de la lecture de la Bible, des temps de louange et même une célébration du culte ont eu lieu « dans l’esprit de la Pentecôte », se réjouit le communiqué du Conseil œcuménique des Eglises. Il est également rappelé que le dimanche précédant le 15 août, soit le 10 août 2014 cette année, les près de 350 Eglises membres de cette instance œcuménique mondiale sont invités à « prier pour la réunification pacifique de la péninsule coréenne ».

Enfin, le 29 juin dernier, à Singyesa, temple bouddhique du mont Kumgang, haut-lieu de l’âme coréenne situé en territoire nord-coréen, des membres de l’Ordre Jogye, la plus importante secte bouddhique sud-coréenne, ont pu se rendre en pèlerinage. Ils y ont rencontré des membres de l’Association bouddhiste de Corée (Corée du Nord) pour célébrer la mémoire de Han Yong-un, dont on fêtait le 70ème anniversaire de sa mort. Poète et réformateur du bouddhisme, Han Yong-un est connu pour son engagement dans la lutte contre le colonisateur japonais. Comme pour tout déplacement de citoyens sud-coréens au Nord, ce pèlerinage avait été approuvé par le ministère sud-coréen de l’Unification. (eda/ra)

(1) Ce sommet Roh Moo-hyun - Kim Jong-il faisait lui-même suite à la première rencontre, historique, de juin 2000 qui avait vu le Sud-Coréen Kim Dae-jung rendre visite au Nord au même Kim Jong-il.

(Source: Eglises d'Asie, le 8 juillet 2014)