Lors des élections présidentielles du 9 mai dernier, les Sud-Coréens ont porté au pouvoir Moon Jae-in, dont le programme porte une politique de dialogue et de réconciliation avec Pyongyang, en rupture avec son prédécesseur, Park Geun-hye, destituée en décembre dernier suite à une retentissante affaire de corruption, et dont le procès a débuté ce 23 mai à Séoul. Alors que la Corée du Nord multiplie les provocations, le président Moon a missionné un émissaire spécial auprès du Saint-Siège pour demander au pape François de soutenir le processus de réconciliation dans la péninsule.

Mgr Hyginus Kim Hee-jong, 70 ans, archevêque de Gwangju et président de la Conférence des évêques catholiques de Corée (CBCK), s’est entretenu avec le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, le 23 mai, et avec le Saint-Père, le 26 mai, à l’issue de la messe du matin célébrée à la maison Sainte-Marthe, au Vatican.

Interrogé par l’agence CNA, Mgr Kim a déclaré « [avoir] été envoyé par le président [Moon] pour demander le soutien du Saint-Père dans le processus de réconciliation entre les deux Corées ». « J’espère que le Vatican va pour agir comme médiateur », a-t-il ajouté, rappelant le rôle joué par le Saint-Siège dans le cadre du rapprochement entre Cuba et les Etats-Unis d’Amérique.

Le pape François, contacté par le président Moon pour « [soutenir] la réconciliation »

Pour le président de la CBCK, « le dialogue constitue la seule option. Pyongyang est en train de montrer sa puissance militaire, mais nous devons poursuivre le dialogue. Si la Corée du Nord devient ouverte au dialogue, les tensions dans la péninsule coréenne diminueront ».

Mgr Kim faisait partie de la délégation de cinq évêques catholiques sud-coréens qui s’était rendue en Corée du Nord en décembre 2015, sous l’égide du « Comité spécial des évêques pour la réconciliation coréenne ». Si ce n’était pas la première fois que des évêques se rendaient en Corée du Nord, le porte-parole de la CBCK, le P. Lee Lee Young-seok, avait alors expliqué que ce déplacement revêtait une importance particulière car les évêques « [avaient été] invités personnellement par Kang Ji-young, le président de l’Association catholique de Corée [organe officiel du régime nord-coréen]. Jusqu’à récemment, les seules relations que nous avions avec la Corée du Nord passaient par le biais de programmes humanitaires ».

Le début de la semaine dernière avait été marqué par une polémique car, selon un article du Joongang Ilbo, un des plus grands journaux sud-coréens, publié le 23 mai, Mgr Kim aurait déclaré qu’il « [allait] remettre au pape François une lettre du président Moon, dans laquelle le président demande au Saint-Père de l’aider à organiser un sommet bilatéral » entre les chefs d’Etat des deux Corées.

Le pape François, sollicité par le président Moon pour faciliter l’organisation d’un sommet bilatéral ?

Un tel sommet constituerait un événement historique et témoignerait de manière éclatante de la relance de la politique dite du « rayon de soleil » (« sunshine policy ») menée dans les années 2000 afin de développer les échanges intercoréens. En 2000 et 2007, les présidents sud-coréens Kim Dae-jung et Roh Moo-hyun avaient alors rencontré le leader nord-coréen Kim Jong-il. Depuis le décès de ce dernier à l’âge de 69 ans, une telle rencontre n’a pas été organisée avec Kim Jong-un, son fils, au pouvoir depuis 2011, d’autant que les administrations des deux précédents présidents sud-coréens, Lee Myung-bak (2008-2013) et Park Geun-hye (2013-2017) y étaient opposées. Aujourd’hui, en dépit de l’élection du président Moon, un tel événement paraît compliqué à organiser, dans la mesure où les tensions sont particulièrement élevées dans la péninsule coréenne : la Corée du Nord multiplie les tirs de missiles balistiques et revendique être en capacité de procéder à un sixième test nucléaire. Au point que le 30 mai dernier, le président Moon, lors d’un entretien téléphonique avec le Premier ministre japonais, a indiqué que ce n’était pas le moment « de dialoguer avec la Corée du Nord mais celui d’accroitre les sanctions et les pressions ».

Quelques heures après la publication de l’article du Joongang Ilbo, Park Soo-hyun, porte-parole de la Maison Bleue, le palais présidentiel à Séoul, a déclaré que le président Moon avait effectivement chargé Mgr Kim de remettre au pape François une lettre manuscrite. Dans celle-ci, le président de la République de Corée remerciait le Saint-Père d’avoir effectué un voyage apostolique en Corée du Sud en août 2014, placé sous le signe de la paix et de la réconciliation, et lui demandait de « prier pour la paix et la réconciliation entre les deux Corées ». Pour autant, la Maison Bleue a indiqué que « dans cette lettre, le président ne [demandait] pas au pape de faciliter l’organisation d’un sommet bilatéral ». Une telle demande n’aurait pas non plus été formulée à l’oral, a précisé le porte-parole présidentiel.

Le président Moon multiplie les initiatives auprès des chrétiens

Tout au long de sa campagne, le candidat Moon a répété qu’il utiliserait tous les moyens à sa disposition pour ramener la paix dans la péninsule coréenne. Le 30 mai, le président Moon a ainsi rencontré une délégation du Conseil œcuménique des Eglises (COE, World Council of Churches), pour discuter du rôle des Eglises dans l’établissement d’un « régime de paix » dans la péninsule. Fondé en 1948, le Conseil regroupe 348 Eglises protestantes, orthodoxes, anglicanes et autres représentant plus de 550 millions de chrétiens dans plus de 120 pays et indique travailler en collaboration avec l’Eglise catholique, en faveur de l’unité des chrétiens et au service d’un monde juste et pacifique.

Dans un communiqué publié le 1er juin, le Conseil œcuménique des Eglises a indiqué que le président Moon « [avait] exprimé sa reconnaissance pour le travail effectué par le COE et le mouvement œcuménique en faveur de la démocratie, des droits de l’homme, de la paix et de la réconciliation en Corée depuis plus de quarante-cinq ans », rappelant que « l’instauration d’un ‘régime de paix’ et la dénucléarisation de la péninsule coréenne constituaient deux des priorités de son administration ».

En Corée du Sud, les chrétiens, les catholiques en particulier, ces derniers étant particulièrement investis dans la vie politique de leur pays, ont multiplié ces dernières années les initiatives en faveur de la paix et de la réconciliation. (eda/pm)

(Source: Eglises d'Asie, le 2 juin 2017)