Dans les réponses qu’il a données aux questions de la radio américaine Radio Free Asia (émissions en vietnamien) au lendemain de la violente répression subie par un millier de catholiques vietnamiens, le président de la Conférence des évêques catholiques du Vietnam, Mgr Joseph Nguyên Chin Linh, s’est livré à un exercice délicat. Il fallait d’une part justifier la résistance obstinée des catholiques du Centre-Vietnam à l’injustice qu’ils subissent : leur lutte, a-t-il affirmé, n’est pas de nature politique, mais animée par la justice et la paix. Mais en même temps, il devait montrer que le prétendu silence de la Conférence épiscopale sur le sujet était en réalité une discrétion cachant une certaine activité. La tâche n’était d’autant plus difficile que Mgr Linh, archevêque de Huê et depuis peu président de la Conférence épiscopale, a été absorbé, ces temps derniers, par les soucis de son installation dans l’archidiocèse du Centre-Vietnam. Avec habileté, l’évêque a relevé ce double défi, tout en ménageant l’avenir.

Le texte vietnamien de l’entretien de Mgr Nguyên Chi Linh, daté du 14 février, a été mis en ligne sur le site de Radio Free Asia le 16 février 2017. La traduction est de la rédaction d’Eglises d’Asie.

Radio Free Asia : Vous avez certainement entendu dire que, le 14 février dernier, dans la paroisse de Song Ngoc, un rassemblement s’est formé sous la direction du curé, le P. Nguyên Dinh Thuc. Il s’est mis en marche dans la direction de Ky Anh pour y déposer une plainte contre le centre industriel de Formosa. La manifestation a été réprimée et attaquée. Beaucoup de personnes ont été blessées ; d’autres ont été arrêtées et détenues. Monseigneur, pouvez-vous vous exprimer sur cette affaire ?

Mgr Nguyên Chi Linh : A vrai dire, ces temps-ci, je suis très occupé, ce qui m’a empêché d’avoir une connaissance détaillée de cette affaire. J’en ai entendu parler, mais je n’ai pas encore eu le loisir de l’analyser en détail. Je n’ai pas encore consulté Internet, si bien que je n’ose pas encore donner un avis sur le sujet. C’est encore trop tôt.

C’est une affaire qui se prolonge depuis longtemps déjà. Nos compatriotes catholiques ont le sentiment que leur vie en a été lourdement affectée. Ils n’ont qu’une aspiration, c’est que l’Etat trouve pour eux une solution juste afin qu’ils puissent surpasser les graves conséquences de la pollution environnementale provoquée par l’usine Formosa. En résumé, deux parties sont en présence. D’un côté, l’Etat ; de l’autre, nos compatriotes catholiques. Il n’y a pas encore d’opinion commune, ce qui explique les conflits actuels.

Je ne peux que me résigner à parler d’une manière générale, faute de connaître tous les éléments de ce dossier. Je ne peux en dire plus. Je suis encore responsable du diocèse de Thanh Hoa ; je suis maintenant évêque du diocèse de Huê. Ce qui m’oblige à des voyages incessants. Et l’affaire en question s’est passée dans le diocèse de Vinh.

Les cœurs de nos compatriotes ont été émus par les photos de tous nos frères battus et frappés. Certains sont ensanglantés. En particulier le P. Nguyên Dinh Thuc, lui-même, a été tabassé. Sur les réseaux sociaux, on se pose la question du silence de l’épiscopat vietnamien. Vous êtes le président de la Conférence des évêques du Vietnam. Pouvez-vous nous apporter une réponse ?

La Conférence des évêques du Vietnam doit choisir une attitude qui ne porte tort à aucune des deux parties. Dans nos Lettres communes précédentes, nous avons déjà mentionné la catastrophe écologique provoquée par Formosa, mais l’attitude de la Conférence doit être mesurée pour ne pas prêter à confusion.

La question qui se pose à la Conférence épiscopale concerne les conséquences des réactions actuelles. Comment faire pour que les réactions de nos compatriotes catholiques ne deviennent pas l’occasion de nouveaux événements encore plus compliqués. La Conférence épiscopale considère que la catastrophe environnementale est un événement qui doit être pris en considération. A la place qui est la nôtre ou encore lorsque nous avons l’occasion d’échanger avec les autorités de l’Etat, nous disons que la lutte menée par nos compatriotes catholiques n’est pas de nature politique, mais qu’elle est seulement inspirée par la justice et la paix !

Jusqu’à présent, les deux parties n’ont pas encore trouvé un accord. Du côté de la Conférence épiscopale, il n’a pas encore été possible d’organiser des manifestations d’envergure, mais nous avons transmis nos réflexions aux autorités publiques, dans la discrétion. Par exemple, récemment avant Noël, Mgr Pierre Nguyên Van Kham, qui appartient la Conférence épiscopale, a été invité en qualité de représentant de la religion [catholique] à participer à un colloque organisé par le Premier ministre Nguyên Xuân Phuc au Palais de l’indépendance, à Saigon. Mgr Kham y a évoqué le problème de l’environnement. C’est pourquoi on ne peut pas dire que la Conférence soit entièrement silencieuse sur ce sujet. Mais lorsqu’elle fait connaître son opinion, elle doit être mesurée et sage afin de ne pas créer d’incidents regrettables. C’est tout ce que je puis dire en ce moment.

Actuellement, vous avez reçu un certain nombre d’informations vous permettant de mieux connaître la situation des catholiques de la paroisse de Song Ngoc et les paroisses environnantes. Voulez-vous vous exprimer à leur sujet ?

Il y a quelque temps, je suis allé rendre visite à la paroisse de Dông Yên et aux communautés voisines, à savoir la région où se situe le complexe industriel Formosa. J’y suis allé pour les mobiliser. Ce que je voudrais dire aujourd’hui à mes compatriotes de ces régions sinistrées, c’est qu’ils n’ont pas été, selon les informations reçues via Internet, traités comme on aurait pu l’espérer. Naturellement, je suis en communion avec eux et je m’efforcerai, au maximum, vers ce que je pourrai pour que leurs aspirations soient entendues des autorités. Comment le ferais-je ? Cela, il faudra en débattre avec les autres membres de la Conférence épiscopale.

Encore une fois, je tiens à m’excuser de ne pas encore maîtriser la totalité du dossier. Je manque encore de trop d’informations pour m’exprimer sans hésitation. J’espère pouvoir le faire à une autre occasion. (eda/jm)

(Source: Eglises d'Asie, le 17 février 2017